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Le retour du bois au japon

Le bois avait une grande importance dans l’architecture traditionnelle japonaise mais depuis la mondialisation, l’industrialisation et les soucis des risques d’incendie, l’utilisation du bois s’était un peu perdue pour laisser place à des matériaux comme le béton. Dans cet article nous verrons tout d’abord ce qui faisait et fait de nouveau du bois un élément central de l’architecture traditionnelle japonaise, puis nous verrons comment aujourd’hui les architectes japonais contemporains recommencent à l’utiliser.

Le bois : une ressource abondante utilisée dans la tradition Japonaise en construction

Le territoire Nippon est recouvert à 66% de forêts principalement de cèdres et on y pratique la sylviculture depuis longtemps.

Forêt après une taille Daisugi

Crédit Photo : Article Stunning Lifestyle

On y pratiquait notamment la technique du Daisugi, qui consiste à tailler les cèdres tous les deux ans à la main et soigneusement. On laisse alors seulement les branches supérieures pour que de nouvelle branche puissent germer. Cette technique évite d’abattre l’arbre totalement.

Vidéo sur la méthode Daisugi

Crédit Vidéo : Youtube /Destination Tips

A l’époque Edo (1600-1870), un temps de paix dans l’archipel Japonais, l’art a pu se développer aisément et l’architecture s’est tournée vers les loisirs et le commerce.

C’est le développement des maisons de thé, de la gravure sur bois et de la menuiserie (très utilisée dans les constructions, le métal étant plus onéreux).

Katsushika Hokusai, sous la vague au large de Kanagawa 神奈川 Vue du magasin Echigoya Mitsui dans la rue Suruga à Edo (extrait de « Trente-six vues du Mont Fuji »), vers 1831

Crédit photo :  Japan Experience (japan-experience.com)

Photo Charpentiers traditionnel

Crédit Photo : Crédit Photo : Pinterest / Pavel Maner

C’était toute une hiérarchie de charpentiers qui s’organisait en fonction des éléments à construire. Les Miyadaiku s’occupaient des temples, les Sukiva-daiku des habitations et maisons de thé et les Tateguva étaient chargés des finitions intérieures. Soit trois sous-métiers de charpentiers aux capacités différentes. Au Japon, les charpentiers n’utilisent pas de clous, de vis ou de colle. Ils pratiquent l’art de l’assemblage, avec des techniques plus ou moins complexes. Il en existe plus de 4000, ce qui explique aussi cette classification dans ces métiers de charpenterie et d’ébénisterie. Les Miyadaiku par exemple, utilisent la méthode du Nejiri Arigata : une technique qui comprend une découpe parfaite des planches pour les coulisser entre elles avec un système d’encoches. Cela rend une belle finition, esthétique et surtout extrêmement solide. Avec le temps le bois se dilate et durci, et ainsi cela solidifie la fixation.

Méthode d’assemblage Nejiri Arigata

Crédit Photo : Crédit Photo : Pinterest /L’aire du bois

Le cèdre correspond parfaitement aux risques climatiques rencontrés dans le pays, car l’été est long, chaud et humidité, les bois locaux sont souvent les plus adaptés pour résister aux intempéries du lieu. Le bois est isolant comme la pierre et permet de garder l’air frais en été et l’air chaud en hiver. Mais il est également flexible de manière à répartir les énergies latérales pour résister aux séismes et aux typhons. Contrairement à nos constructions européennes où nos maisons sont fixées à un sol stable sur des fondations, les constructions traditionnelles Japonaises n’en possèdent pas. Ce sont les murs qui tiennent le plancher en solive. Cela permet en cas de tremblement de terre, que la structure ne cède pas mais glisse simplement un peu plus loin.

L’inexistence de fondations permet également à l’air de circuler et à éviter ainsi les moisissures et champignons. Enfin, pour éviter que l’humidité ne s’infiltre dans les habitations, les toits sont avancés et protègent les murs.

Maison japonaise du Jardin Yokokan

Crédit photo : Jardin Yokokan

Ces habitats traditionnels ne possèdent pas de limite entre l’intérieur et l’extérieur, ni même entre ses différentes pièces. Seules des cloisons coulissantes en papier de riz appelées « shôji » peuvent servir de séparation. La séparation des pièces est donc éphémère et varie en fonction des loisirs des habitant. Selon le mode de vie de ses habitants, les séparations intérieures peuvnt alors être facilement démontées et l’agencement remanié. On le remarquait notamment lors de la mort d’un empereur, car qui dit nouveau dirigent signifie généralement nouveau palais et même parfois nouvelle capitale impériale.

Mais pourquoi cette tradition s’est-elle perdue ?

Vers la fin du XIX siècle et début du XXème siècle, c’est l’arrivée de l’empereur Meiji qui, en parallèle de ses victoires militaires contre le Chine, la Russie et ses conquêtes en Corée et à Taïwan, a commencé à développer Tokyo, la nouvelle capitale impériale. On a vu des constructions en pierre et briques fleurir sous l’influence Occidentale avec des Architectes venus d’Angleterre et d’Allemagne. C’est également l’arrivée des technologies moderne, de l’électricité, de l’industrialisation et le développement des transports passagers comme le train.

Quartier japonais, Tokyo gare

Crédit Photo : Blog goo.ne.jp

Dans un second temps le Japon est entré dans la deuxième guerre mondiale et fut malheureusement détruite. La reconstruction de Tokyo s’est faite sous tutelle américaine : les buildings en béton armé se multiplient pour répondre au nombre croissant de la population.

Dans les années 50, certaines forêts (ou plus précisément 40% des forêts actuelles) ont été plantées artificiellement pour fournir du bois d’œuvre. Avec la une surexploitation forestière, le gouvernement a dû endurcir la réglementation sur l’industrie du bois, c’est pour cette raison que jusqu’au début du XXIème siècle on a vu le Japon exporter moins qu’il n’importait. Le Japon, devenu alors une superpuissance économique mondiale, a finalement favorisé l’introduction de matériaux étrangers.

Le retour des techniques ancestrales et du bois

Depuis, de nombreuses initiatives soucieuses de l’environnement (2010-2020) se sont créées afin de retrouver petit à petit une économie forestière. Retour de la technique traditionnelle du Daisugi et à une gestion durable des forêts. Mais aussi, on réapprend à utiliser toutes les techniques d’assemblages ancestrales. En décembre 2020 tout ce savoir-faire traditionnel relatif à l’architecture en bois est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l’UNESCO. La technique du bois brulé Shou Sugi Ban est d’ailleurs très tendance. Nous vous consacrerons un article spécial prochainement.

Néanmoins la baisse de la natalité et le vieillissement de la population japonaise amènent au nouveau concept de ville compact.

Notre sélection d’architecture Japonaise

L’AGRI CHAPEL

PAR YU MOMOEDA

Yu Momoeda construit en 2016 au milieu du parc naturel de Nagasaki, est un cube aux baies vitrées qui laissent apparaitre une ossature en bois brut. On nomme cette ossature « fractale », elle est basée sur la méthode « kanawa tsugi », qui forme comme une forêt d’arbres. Une chapelle qui ouvre à la contemplation de l'océan et de la nature environnante.

Crédit Photo : Pen ペン (pen-online.com)

RENOVATION "KYOTO MACHIYA”

PAR YOSHIHIRO YAMAMOTO

Cette rénovation de petites maisons d’après-guerre réapplique le système traditionnel. On a remis en valeurs la charpentes « Machiya » faites de poutres anciennes, et réutilisé les portes coulissantes en les montant sur de nouveaux châssis.

 Les pièces de vie ont été maximisées et les zones sanitaires minimisées pour pouvoir s’adapter à la vie moderne ainsi qu’à d’autre fonctions comme la création de bureaux ou de magasins.

Crédit Photo : Rowhouse on Showa-koji st. III | Yoshihiro Yamamoto (archilovers.com)

SU-PIDER

PAR UID ARCHITECTS

Il s’agit d’une maison pour une famille de quatre personnes dans un quartier résidentiel de la banlieue vallonnée de Fukuyama.

Un habitat centripète d’une seule pièce de 77m² englobé dans une structure octogonale en bois. Une toile d’araignée soutenue par des jambes de soutien formant 4 ouvertures triangulaires. L’espace est composé de plusieurs modules dont les fonctions se modifieront au fil du temps et de l’évolution familiale.

Crédit Photo : Su-pider House / UID Architects | ArchDaily

HOUSE KOYOEN 

PAR TOMOHIRO HATA ARCHITECT & ASSOCIATES

Une maison installée à Hyogo dans un paysage à flanc de colline au accès sinueux et étroits. Cet environnement allait rendre compliqué l’arrivée des transporteurs de matériaux, c’est pour cette raison qu’ils ont plutôt envisagé une architecture où l’assemblage puisse être fait à la main sur site. L’arche est une forme a l’avantage d’être très résistante surtout pour les régions sismiques.  En définitif, cette maison regroupe 3 voûtes en diagonale, composées d’une multitude d’arches qui se croisent et sont recouvertes d’un placage laminé assemblé. La partie basse des voûtes centrales est ouverte pour créer une grande pièce. Cette maison propose une multitude d’entrées, la lumière s’immisce par les extrémités des voûtes mais aussi sur les parois latérales.

Crédit Photo : House In Koyoen / Tomohiro Hata Architect and Associates | ArchDaily

HOUSE YANAKACHO 

PAR KACH

Une maison familiale rectiligne installée à Gunma dans un quartier résidentiel. Elle est composée d’une enceinte surélevée en polycarbonate translucide qui cache l’étage avec les pièces intimistes. La partie basse composée de plusieurs hauteurs de planché en bois est quant à elle ouverte sur son environnement. Un léger rideau peut néanmoins être tiré pour contrôler la différence entre l’espace public et l’espace privé tourné vers le voisinage. Il faut apprécier le vis-à-vis et aimer sociabiliser ! ;)

Crédit photo : House in Yanakacho | KACH (archilovers.com)

OGIMACHI HOUSE 

PAR TOMOAKI UNO

Cette maison cubique construite pour une personne est littéralement tout en bois de cèdre du sol au plafond avec peu d’ouvertures.

 « J’ai proposé une maison sans fenêtres sur le mur à l’exception de l’entrée et de l’entrée arrière. »

Il a donc été suggéré d’installer cinq grandes fenêtres au plafond qui pourrait être ouvertes et fermées. La maison possède 32 fixateurs, la structure traditionnelle utilisée est celle d’ITAKURA.

Une architecture particulière, auquel nous portons un avis mitigé sur le fait que l’espace peut paraitre oppressant. La propriétaire a d’ailleurs exprimé s’être sentie stressée lorsqu’elle a commencé à y vivre, mais elle semble aujourd’hui très à l’aise.

Crédit Photo : Ogimachi House | Tomoaki Uno Architects (archilovers.com)

MANGA ARTIST’S HOUSE

PAR TAN YAMANOUCHI

Petite Maison atypique en bois d’un Mangaka à Tokyo que l’on pourrait retrouver dans une fiction. L’intrigue de cette architecture commence par sa façade d’entrée conçue comme un mur sismique déformé évoquant la terre s’élevant dynamiquement du sol, avec un tunnel pénétrant dans le mur menant à l’entrée. A l’intérieur 3 niveaux de planchers, desservis par un escalier qui monte au niveau de l’arrivée de lumière principal : un vide au centre de la maison. Ce vide est aussi une sorte de cours. La lumière est perçue par d’autres ouvertures mais limité car Tan Yamannouchi a voulu jouer avec le contraste du clair-obscur. 

Il appelle cet espace des « étangs et des berges ».

Cette maison possède des espaces assez flexibles et uniques qui correspondent totalement au quotidien d’un Mangaka en quête d’inspirations mais également à son emploi actuel. En effet, depuis la covid-19, leur maison privée est devenue un lieu de réunions et sert de studio pour les interviews et l’hébergement de la presse.

Crédit Photo : A Japanese manga artist’s house | Tan Yamanouchi (archilovers.com)

HOUSE PLYWOOD

PAR ALPHAVILLE ARCHITECTS

Située au coin d’une rue à Kyoto, cette petite maison à la forme rectiligne semble assez simple mais à l’intérieur ressemble à une sorte d’origami avec des parois pliées. On distingue neuf unités fonctionnelles. Par exemple la terrasse créée à l’étage permet aux résidents de profiter du paysage de la rue et du ciel.

« Nous visons à fusionner des œuvres d’art et des murs pliants dans ce bâtiment afin que les espaces de vie puissent servir de petite galerie et exposer les collections de dessins du maître lorsque des amis ou des invités sont invités chez elle. »

Crédit Photo : House of 24mm Plywood | Alphaville Architects (archilovers.com)

SUNNYHILLS

PAR GUMA YUNKO

Depuis 2013 on peut apercevoir de loin un étonnant mélange de branches coincées qui donne l’impression de se balancer dans le vent au milieu d’un arrondissement de building en plein Tokyo. 

« Notre objectif était de créer une forêt dans le centre-ville animé »

Lorsqu’on s’en rapproche on découvre un café au motif structurel entrecroisé créé avec la méthode traditionnelle « Hell Kumi », accompagné d’une application de parois en verre.  La lumière extérieure s’immisce à l’intérieur à travers les croisillons en bois en forme de losanges. À l’intérieur de la pâtisserie on retrouve un sol en carreaux de liège, deux étages desservis par un escalier aux marches irrégulières.

Pour Guma Ynko il est important d’utiliser et de mettre en valeur les arbres avec des matériaux faibles comme le bois ou le papier plutôt que le béton.

C’est un artiste qui ne plait pas à tout le monde au japon mais essai de ramener ce savoir-faire tiré des méthodes traditionnelles.

Crédit Photo & Vidéo : Instagram / @architechu

Conclusion

Aujourd’hui les méthodes ancestrales de menuiserie et d’ébénisterie sont reconnues dans le monde entier pour leur solidité mais également pour leur design épuré. Nombres d’architectes s’amusent à les utiliser et les réinventer pour créer l’architecture de demain.