Le bois courbé : zoom sur la technique de cintrage du bois
Peut-être que comme nous, vous avez déjà été impressionné par les prouesses techniques des artisans du bois. Une fois dans un atelier j'ai entendu « Rien n'est impossible. Du moins avec le bois. ». Et en effet, le travail du bois repousse sans cesse les limites de la créativité. Mais quand on voit des pièces de bois courbé, on ne peut pas s'empêcher de se demander : « Mais comment ils ont fait !? ». Alors si vous aussi vous vous posez la question, vous êtes au bon endroit. Aujourd'hui on vous explique TOUT !
I. La technique de cintrage du bois :
Le bois est un matériau naturel durable et en design, il est souvent un des premiers choix de matériaux. Il offre un nombre de possibilités incroyable et pour lui donner la forme que l'on souhaite, il est courant qu'on en vienne à le courber.
Le cintrage du bois consiste à travailler des pièces de bois pour leur donner une forme courbe. Ce terme désigne donc la transformation d'un produit cintré. C'est de ce processus que naît le bois courbé qui nous fascine tant ! Et pour se faire on peut s'y prendre de différentes manières en fonction du type de bois, de son épaisseur, ou encore des traitements qui lui on été appliqués. Mais d'abord voyons ensemble très rapidement les principaux outils utilisés dans ces différentes techniques :
L'étuve : C'est un long récipient étanche qui est utilisé pour étuver (ou chauffer) les planches de bois afin de les rendre flexibles
Les moules : Ils servent à maintenir la pièce dans la forme souhaitée durant le séchage.
Les différentes techniques de cintrage du bois :
Le découpage dans un bloc de bois massif :
Il est possible d'imaginer une pièce de bois et de la confectionnez en la découpant à même le bloc de bois massif. Cette technique est issue du sculptage du bois, et convient bien aux petites pièces. En revanche nous seront limités lorsqu’il s’agit de pièces plus imposantes, de plus une grande partie de la pièce initiale est gâchée.
Le cintrage du bois à la vapeur :
Cette technique consiste à placer les morceaux de bois que l'on souhaite cintrer à l'intérieur d'une étuve pendant quelques heures. Le résultat étant que la vapeur et la chaleur vont permettre de détendre les fibres du bois et les assouplir pour leur permettre de supporter un plus grand effort d'étirement et de compression. En sortant les pièces, on peut ensuite les modeler sur un moule et par la suite, en refroidissant, le bois conservera la forme qu'on lui a donné (car ses fibres vont se rigidifier à nouveau). Cette technique permet d'obtenir des courbes très serrées.
Cette méthode a été utilisée dans de nombreux domaines comme dans la mise en forme des coques de bateau, la production d'objets spécifiques comme les bâtons de crosse ou les violons ainsi que dans la fabrication de meuble comme par exemple la chaise Windsor ou encore le travail de Michael Thonet, notamment la fameuse Chaise N°14. Ce processus est une technique traditionnelle chargée d'histoire puisqu'en effet elle a été longtemps utilisée dans la production d'armes et d'outils. C'est une technique écologique mais qui est de plus en plus rarement utilisée en raison des progrès technologiques.
Chaise Thonet n°14 : Crédits : https://www.minniemuse.com/ Fauteuil Windsor : Crédits : https://www.dimanoinmano.it/
Le principal inconvénient de cette technique est son coût, car en effet l'étuve qui est nécessaire pour ce procédé est un outil très spécifique et coûteux mais elle reste cependant moins onéreuse que la première option qui consistait à découper la pièce directement dans un bloc de bois massif puisqu'elle nécessite moins de matière.
Le cintrage du bois à l'eau :
Pour ce procédé, les bandes à cintrer sont plongées dans de l'eau chaude et y restent à tremper environ 24 à 48h. Le bois va absorber l'eau et ramollir. On pourra ensuite le placer sur un moule pour lui donner la forme souhaitée et le coller sur un gabarit. Comme pour le cintrage à la vapeur, le bois va ensuite sécher et redurcir en conservant sa forme courbée.
Le cintrage du bois à la chaleur :
Cette technique consiste à utiliser le feu ou la chaleur à l'aide d'un pistolet thermique en le plaçant sur un gabarit en métal qui épouse la forme courbée qu'on souhaite donner à la pièce de bois. Il est également possible d'utiliser directement une flamme vive en remplacement du pistolet thermique.
Le cintrage du bois à froid :
Avec cette technique, il est possible de cintrer des feuilles de bois ou encore du contreplaqué cintrable mais pas du bois massif. En revanche, c'est une technique plutôt simple et qui assure un beau résultat ! Elle consiste à coller plusieurs épaisseurs de contreplaqué cintrable ou encore de lamellé-collé sur un moule.
Certains designers utilisent de la fibre de carbone en guise de structure à la place du contreplaqué cintrable ! C'est le cas par exemple de Pierre Renart avec sa collection Ruban Möbius en bois courbé.
Cintrer le bois avec des rainures :
Ce processus consiste à creuser à l'aide d'une scie, des rainures ( d'une profondeur d'environ 2/3 de l'épaisseur du bois pour éviter de casser la pièce de bois ) à l'intérieur de la courbe.
Cintrage du bois à la presse :
Ce système est utilisé pour le cintrage du bois massif notamment. La presse est reliée à un générateur de courants électriques envoyé en alternance à haute fréquence.
Bonus : Préparer le bois
Pour un processus de cintrage, il est préférable de choisir un bois aux fils droits, sans nœuds et sans fentes pour éviter qu'il ne se casse. Pour le choisir, il y a de nombreux facteurs à prendre en compte. Par exemple, il est favorable de choisir plutôt un bois dur. Un bois sec pourra se cintrer mais plus difficilement qu'un bois vert. Ou encore, il faut savoir qu'un bois séché à l'air se cintre mieux qu'un bois séché au séchoir. Également il peut être intéressant d'humidifier les bois très secs quelques heures avant de débuter le procédé de cintrage du bois.
Pour finir, il est bon de savoir qu'un bois poncé en amont aura moins de chances de se casser lors du processus.
II. Le bois courbé dans le monde du design :
Installation en bois courbé par Kavanaugh et Nguyen pour le centre d'art contemporain du Maine :
Les designers Wade Kavanaugh et Stephen B Nguyen se sont inspirés des eaux troubles et du vent de la région pour imaginer l'installation Hubris Atë Nemesis pour le Centre d'art contemporain du Maine. Il s'agit d'une installation faites de longues bandes de bois courbé qui occupent l'espace du sol au plafond pour imiter le mouvement d'une vague.
Selon les designers, « Le sujet est emprunté au paysage côtier accidenté du Maine et à la tradition d’artistes qui ont exploré le jeu de ses forces naturelles, de son peuple et de son environnement bâti »
Ce projet est un exemple parfait pour illustrer les prouesses techniques infinies possibles avec le bois courbé.
« Nous développons actuellement une œuvre d'art permanente qui utilisera toute une gamme de contreplaqués, allant des feuilles structurelles aux placages minces qui imitent la souplesse du papier. »
Installation en bois courbé par Kavanaugh et Nguyen
Crédits photos : Dave Clough : https://davecloughphotography.com/
« Timber Rhyme » : Un ruban en bois courbé
Cette installation a été conçu par le Studio Ardete au premier étage d'un magasin à Chandigarh en Inde qui vend des placages et du contreplaqué. L'installation suit la forme d'un ruban et invite le client à traverser cet espace. La structure de bois courbé se tord et se retourne pour former tantôt des présentoirs, tantôt des tables ou encore des assises. La conception de cette installation a exploré et repoussé les limites du matériau vendu aux clients. La structure est composée de nervures en contreplaqué de 19mm d'épaisseur préalablement conçues numériquement à l'aide du logiciel Grasshopper qui sont ensuite recouverte de contreplaqué flexible de 3mm d'épaisseur puis d'un placage en chêne clair de 1,5mm d'épaisseur. Un magnifique exemple pour illustrer le processus de cintrage du bois !
Crédits : Photography by Ar.Purnesh Dev Nikhanj : https://www.purneshdev.com/
Architecture Firm: Studio Ardete : https://studioardete.com/
Bois courbé autoformé, l'architecture de demain ?
Le processus de cintrage du bois est un processus assez demandeur d'énergie et qui implique d'utiliser des machines. Cependant, des scientifiques ont récemment découvert une façon naturelle de permettre au bois de s'autoformer. Les scientifiques en question sont Dylan Wood et Markus Rüggeberg.
Le principe imaginé est de définir à l'avance, grâce à des outils numériques, la forme que prendra la pièce au séchage en fonction de différents paramètres. En effet, il est possible d'anticiper la déformation du bois au cours du séchage en calculant la quantité exacte de bois et d'humidité. Pour éviter ensuite que le bois se déforme à nouveau en contact de l'eau, il est nécessaire de coller plusieurs couches de bois autoformé entre elles. Sur ce principe, a été créée en 2019 la tour d'Urbach au Sud Ouest de l'Allemagne. Il s'agit de la première structure au monde réalisée à partir de composants autoformés à l'échelle d'un bâtiment. Ce projet est un véritable espoir de nouvelles perspectives durables pour l'architecture de demain puisqu'il est désormais possible d'imaginer des projets architecturaux en bois courbé suivant un processus responsable, respectueux de l'environnement.